Ca commence à sentir le gaz au Hohneck
J'arrive au relais, le passage scabreux est passé, les mains sont en sueur, plus concentré que ça c'est pas possible. "Détends-toi" je me dis, en plus t'es en second. Le visage illuminé de Tony m'apparaît, p£^*$^i il s'est mis une méduse fluorescente orange sur la tête en pleine ascension...
Tout avait cependant commencé beaucoup plus calmement. Une journée radieuse s'annonçait. Comme pour il y a 8 jours, nous n'avons aucun plan en tête pour la journée à venir. Enfin, je n'ai aucun plan particulier. Tony Truand, en prévision d'un hiver où je vais bouffer du mixte dans des conditions pas possibles, m'annonce au parking une journée en 2 parties: d'abord apprendre à grimper en tête sur coinceurs aux Clochers du Petit Hohneck, et en seconde partie de journée remonter l'Eperon Sud du Hohneck, rarement visité été comme hiver.
Le début de journée se passe dans le calme le plus complet, sous le signe de la contemplation: le Hohneck s'est paré de ses couleurs les plus flamboyantes pour notre plus grand plaisir. Quel régal de pouvoir venir visiter ce sommet si régulièrement et, quand même, être emporté par la beauté chaque jour différente et singulière du plus haut sommet vosgien:
Mon compagnon de cordée et moi sommes d'accord pour explorer, dès que la neige aura recouvert le massif, de nouvelles pentes et de nouvelles ascensions en mixte au Hohneck. Chaque point de vue sur le secteur Sud du Falimont est alors le début d'une histoire que nous avons hâte d'écrire en hiver. Pour cela, même en tant que second de cordée, je me dois d'avoir un bagage technique plus conséquent que mon seul enthousiasme et mes hivers passés à traîner dans des pentes à 50°max. Nous nous rendons donc aux Clochers du Hohneck où j'apprends à correctement poser les coinceurs en tête dans des voies faciles, avec de temps à autre un spit histoire de rester détendu:
Tony, quant à lui, grimpe en tête en se sécurisant uniquement sur coinceurs et autres friends dans des voies plus ardues du sommet desquelles il m'assure avant la descente en rappel:
La petite séance technique étant terminée, nous faisons nos sacs et partons en direction de l'Eperon Sud du Hohneck qui surplombe le Wormspel. Les vestiges de la Guerre sont nombreux dans cet endroit désert et à l'écart des sentiers. Nous observons ce rocher haut de 70m environ, certes pas vertical, mais je n'ai jamais rien grimpé d'aussi raide et haut. Je signifie à mon pote qu'il n'est pas écrit "I love Reinhold Messner" sur mon casque:
Hors de question pourtant de contourner les difficultés, hors de question non plus de choisir les plus grandes. Nous nous équipons. La vache, j'ai la gorge sèche d'un coup. Tony part en tête, la communication est en place. Merde, déjà en bas, c'est haut. Nous sommes en terrain d'aventure, rien d'équipé, les relais et points se font avec sangles et coinceurs. Lui les monte, je les récupère. "Relais!!" s'"écrit-il quelques 30 mètres plus haut. Je pose mon pied sur le premier rocher, il se désolidarise et fonce dans le pierrier avec fracas plus bas. Pù*$^^ù; mais c'est pas vrai! " "Pas de soucis!" je réponds. Ce qui paraît simple de loin, ne l'est plus vraiment sur place, certains rochers m'inspirent peu confiance et les touffes d'herbe pas davantage.J'arrive au relais, le passage scabreux est passé, les mains sont en sueur, plus concentré que ça c'est pas possible. "Détends-toi" je me dis, en plus t'es en second. Le visage illuminé de Tony m'apparaît, p£^*$^i il s'est mis une méduse fluorescente orange sur la tête en pleine ascension... J'ai 30m de vide à mes pieds, mais la vire du relais est large, je souffle. Quel sport je te jure, c'est vraiment chercher la merde de venir ici. Les paysages sont magnifiques et l'instant me rend heureux malgré l'appréhension:
Tony part dans la 2ème longueur. Les mots échangés, les manips de corde, tout est limpide dans ma tête. Bon sang, vivement qu'on soit là-haut. Le plaisir de faire cordée dans cet éperon est grand, je ne me demande pas ce que je fais ici même si j'ai la peur au ventre à l'occasion. Tout le temps oui. "Vaché!" "Déséquipé!" "Relais!" "Départ!" et je m'élance dans la deuxième longueur, le vide se creuse à mes pieds. Je regarde tout en bas, merde c'est raide. Je regarde en haut, merde c'est raide et je repars heureux. Peureux. Tony a installé son relais dans un petit renfoncement confortable, je m'assieds, l'assure et il s'élance dans une traversée délicate de 3 petits insignifiants mètres, avec 50 mètres sous les pieds. Je ne m'inquiète pas outre mesure. Va falloir passer par là mon bonhomme. C'est à mon tour, je ne pense plus du tout à l'appareil photo pour immortaliser le moment, il faut se tordre, vide dans le dos mais les prises sont très franches. Ouf. "P¨$*$ù:". Les derniers mètres sont plus techniques, la progression malcommode. Je parviens sur une très large terrasse herbeuse auprès de Tony. Les difficultés sont passées, il reste 6/7 mètres à franchir non exposés. Nous les franchissons aisément, il m'assure à l'épaule. Le sommet de l'Eperon Sud du Hohneck est déjà enfin atteint. Tony a grimpé en toute décontraction, un simple exercice ludique. J'ai serré les dents tout le long mais avec bonheur. L'itinéraire (la photo est datée du 13 octobre par contre):
De tout là-haut, le Hohneck était encore plus beau et le moment paisible. Tony love sa corde, je range mon matériel et nous repartons vers le sommet du Hohneck un peu plus haut, perdu dans mes pensées, tiraillé par une passion qui me plaît autant qu'elle me bouscule. Ben ouais, c'est pas ce que tu cherches?