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Vosginisme & Randonnée

15 octobre 2022

L'étoile des Spitz' / Au revoir, Jérôme

Lorsque j'ai été muté dans le département des Vosges en 2007, je ne te connaissais pas Jérôme, mais je connaissais bien ton ouvrage "Les plus belles randonnées des Vosges" coécrit avec ton épouse Anne aux éditions Glénat, quelques années auparavant. J'étais alors un jeune enseignant momentanément installé en Alsace pour mon année de stage, et arpentais régulièrement les sentiers vosgiens avec émerveillement, chacune des randonnées étant précédée d'une lecture attentive de votre ouvrage. Le voyage avant le voyage en quelque sorte, l'esprit entièrement plongé dans les descriptifs et les photographies...

Cette même année, je fais connaissance avec ton épouse, devenue ma collègue de travail en lycée. Toutes les discussions, durant nos repas partagés à la cantine, tournaient autour de notre amour commun pour les Vosges et "nos" Alpes du Sud. De fil en aiguille, ces sentiers vosgiens, nous les avons parcourus ensemble, en toutes saisons. Et le plus souvent possible. Vous m'avez fait découvrir tous les trésors du massif, du Brézouard au Lac des Perches, en passant par le Rothenbachkopf, et puis surtout les Spitzkoepfe. Tu ne te lassais jamais des Spitz'. Tu avais ces étoiles qui brillaient dans les yeux quand tu les approchais ces Spitz', ces étoiles si caractéristiques de ceux qui, comme Anne et toi, sont des passionnés. Et les montagnards passionnés sont juste passionnants. Forcément.

Rapidement, je me suis pris de passion pour les Vosges, moi aussi -ce devait être contagieux-, pour les pentes hivernales du Hohneck pour ma part, quand de votre côté, vous approfondissiez toujours davantage vos connaissances du massif et les partagiez à travers des ouvrages qui ont rarement quitté ma table de chevet, et ce, des années durant. L'alpinisme au Hohneck a éveillé ta curiosité, tu as été mon premier compagnon de cordée vosgien. Impossible d'oublier cette sortie, ni les -18°C, nous n'avions jamais eu aussi froid, et pour les besoins de cette photo, je m'étais bêtement infligé la pire onglée de ma vie...

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Et puis, de nombreuses années durant, j'ai consacré tout mon temps libre au "Hohneck hivernal", à tes Spitz' et, de votre côté avec Anne, vous poursuiviez vos découvertes des sentiers vosgiens, du Jura, du Queyras et de l'Ubaye pour lesquels vous avez publié de merveilleux ouvrages. Etre passionné et partager, publier des livres, quelle merveilleuse idée. Je l'ai faite mienne, merci pour l'inspiration, Jérôme.

Il y a quelques années, nous nous étions revus et tu me parlais du Piémont italien avec ces mêmes étoiles dans les yeux. Le pays du Viso n'avait plus de secret pour Anne et toi, tu as même foulé son sommet. Il paraît que peu de sommets sont aussi beaux que celui du Viso, que peu d'ascensions sont aussi enivrantes que celles qui mènent aux derniers rochers. Je n'en sais rien, je n'y ai jamais été. Peut-être qu'au fond de moi, je m'imaginais que tu m'y emmènerais. De toute façon, nous étions partis pour devenir de vieux montagnards. Je m'imaginais volontiers avec toi dans 25 ans, une grappa à la main dans un refuge du Viso. Et quelques étoiles dans nos yeux.

Ca m'a fait tellement plaisir de te revoir cet été en famille à mon concert. Du blues, toujours du blues, il ne va pas pas me quitter. Entretemps, nos 2 derniers enfants sont devenus meilleurs amis et nous projetions d'arpenter de nouveau les sentiers ensemble. Lesquels, je n'en sais rien, on y va, on suit les étoiles, celles au dessus des fermes-auberges vosgiennes, celles au dessus de Bersezio, celles qui illuminent nos regards.

Et puis, l'incrédulité. L'incrédulité. Comment y croire? Comment l'accepter?! Comme quand Bérhault est tombé. Pas lui, pas toi. Aux Spitz', bon sang... c'est juste inimaginable, ça me tourne dans la tête depuis Samedi dernier. Ca me met en colère et suscite mon admiration à la fois. Je ne suis pas sûr que les gens puissent comprendre cette admiration. Peu importe, ça me rend infiniment triste au final. Mais une chose est certaine, merci pour tout ce que tu m'as apporté avec Anne. Et quand j'irai aux Spitz', quelle que soit la saison, par une belle journée ensoleillée ou dans un brouillard à couper au couteau, j'admirerai cette étoile éternelle que tu y as laissée.

Au revoir, Jérôme.

Stéphane 

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20 décembre 2021

Secrets de vosgiens

Ca fait longtemps que j'ai pas alimenté ce blog, du coup j'ai perdu un temps fou à récupérer le mot de passe et re-donc je suis de mauvais poil, autant l'annoncer de but en blanc (encore une expression à la noix, ça).

Ce matin, mes potes et moi faisons -enfin!- notre reprise en alpinisme. Je vous passe les détails pour lesquels on n'avait toujours pas été grimper (le boulot, la météo, les loulous, la neige elle est trop molle, les poux etc...), toujours est-il qu'on a fait partie des rares cons à ne pas avoir vu le soleil dans le Grand Est aujourd'hui. Soleil partout sauf sur les Crêtes donc. 

Perrine, guillerette comme toujours, vient de changer son sac à dos semble-t-il. Elle passe d'un Ketchoûa 2L à la version maxi, le Junior 4 litres. J'imagine donc qu'elle nourrit dans de grandes ambitions pour les itinéraires de ce matin. Je sens très nettement que nous allons écrire l'histoire de l'alpinisme aujourd'hui. Bref, elle est accompagnée de son collègue prof d'EPS Philippe, qu'elle surnomme "le poussin" eu égard à la couleur discrète de sa veste. Nous faisons connaissance et il me demande si "c'est bien toi qui râles tout le temps en montagne et qui fais rire la toile". C'est ça, c'est bien moi.

Franck est également de la partie. Il possède 3 paires de lunettes de soleil dans son sac à dos. C'est ce qui s'appelle partir optimiste quand tu te dis que tu vas pouvoir user 3 paires le temps d'une matinée.

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Toujours est-il qu'au vu des excellentes conditions neigeuses rencontrées dans la descente du Falimont, nous décidons pour cette reprise de remonter la "goulotte du Y". Elle est en parfaite conditions (après on peut toujours chipoter hein), si ce n'est les nombreuses traces de passage des alpinistes de la veille qu'il a fallu habilement éviter, et croyez-moi c'était pas simple. Parce que si tu restes dans les traces, autant faire du step à la maison en écoutant Beyonce. J'explique à mes camarades que cette fréquentation des lieux est peut-être due à la publication par des connards de topos d'alpi dans le secteur. On ne divulgue jamais un secret dans les Vosges. C'est comme un alcool de poire ou un lourd secret de famille, ça se dit pas dans les Vosges, ça se garde pour soi. Bon, Perrine étant Iséroise, Franck Mosellan, Philippe Alsacien et moi Mentonnais, on s'éternise pas sur ce constat et nous poursuivons notre rude ascension d'une rare difficulté technique en prenant soin de terminer la voie par les corniches de l'itinéraire voisin du "Premier à Droite":

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J'avoue avoir eu du mal à franchir cette corniche, cette cornichette-même. M'étant explosé la gueule lors d'une chute à skis de fond Mercredi dernier à l'issue de laquelle j'ai fini empalé sur mon bâton tel un vulgaire cochon de lait secrètement sacrifié dans une ferme vosgienne, il m'était assez difficile de lever le bras gauche. J'dis pas que c'est pas nécessaire de lever les bras en alpi, mais quand même, là comme ça au pied du mur -de la murette- ça aide hein.

Comme nous avons droit à un tour gratuit, nous redescendons le Falimont et croisons un gars. Seul. En train de faire un relais à un arbre. Mais seul. Bref, il nous demande d'où on vient. Je lui réponds "Du Falimont", je vois pas très bien ce que j'aurais pu lui dire d'autre. Il lève les yeux au ciel et insiste "Vous êtes ici en vacances?". J'ai envie de lui répondre que je viens d'un pays où on bouffe des Pan Bagnats sur des chaises bleues face à la mer (et hop, vous avez la chanson en tête, de rien) avec le Mercantour dans le dos, mais que maintenant on habite dans un massif où on garde jalousement la gnôle et les secrets de famille au fond des tiroirs, mais non. "On est Gérômois". Fin de la discussion, "bonne balade".

Nous prenons la direction de la "Directe du Y" cette fois et progressons sur une neige de rêve. 

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Avec Franck, nous terminons la voie de manière sereine et pépère (comprendre "pas par les corniches") mais choisissons la partie de la pente la plus raide, un bon 50° qui fait du bien (les Vosgiens aussi disent ça, mais pour d'autres raisons secrètes). Perrine annonce à Philippe qu'elle a trouvé une fin de voie rigolote. Je dis Adieu à mon nouvel ami et lui explique qu'avec Perrine "rigolo" se traduit par "suicidaire"  mais bon, ils sont venus écrire l'histoire de l'alpinisme et moi pour prendre les photos aujourd'hui.

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Nous sortons du couloir autour de midi et rejoignons à toute hâte "Le Pied du Hohneck" qui nous accueille pour quelques bières ("le mieux en alpi, c'est les bières après") longuement savourées. Et comme je suis devenu Vosgien d'adoption, moi aussi j'ai mes secrets, et me suis bien gardé de le dire à ma fiancée en rentrant.

Conditions de neigeTrès bonnes. Parfois grésil et sans cohésion en quelques rares endroits.

 

 

 

 

 

 

14 février 2021

La Wormspel de la Honneck

Je suis tombé cette semaine sur des prévisions météorologiques qui annonçaient, certes un grand beau temps pour le week-end, mais surtout un ressenti au niveau des températures de près de -30°C. Généralement, ce genre de conditions éveille chez Perrine un enthousiasme presque enfantin, et chez moi une envie de me rouler en boule sous la couette en buvant du Limoncello bien de chez moi. Non, parce que sans déconner, toute la semaine déjà, tu te casses le cul au boulot, à la maison, au supermarché... Alors arrivé au week-end, perso je veux bien faire de l'alpinisme hivernal, mais par grand beau temps, 20°C minimum et vue sur la mer au sommet, faut pas pousser mémé dans les orties hein (d'ailleurs, depuis le temps qu'elle traîne tout près des orties cette vieille peau de mémé, fallait bien qu'elle s'attende à ce que quelqu'un l'y pousse un jour et c'est bien fait pour sa gueule, entre nous hein).

Bref, c'était inévitable, Perrine m'envoie un SMS la veille "Demain 9h, Pied du Hohneck?". J'hésite entre lui répondre "Non, merci, sans façon, je hais l'alpi, les Vosges et l'hiver, tu le sais bien" ou "j'aimerais bien être vivant Lundi sans vouloir t'offenser". Mais bon, je dis oui. De toute façon, j'ai toujours grimpé pour le plaisir de manger au Pied du Hohneck et boire des bières après la sortie. Je réponds "OK"et réalise dans la foulée, que pour le repas marcaire et les bières, avec le COVID, c'est dans l'cul.

Avec ces températures de vosgiens annoncées, je décide ce matin de m'équiper direct chez moi. Tenue complète, chaussures d'alpi (tant pis pour la conduite, et j'aurais même mis les crampons si j'avais pu), guêtres et même baudrier. Ma femme me voit partir dans cette tenue et se demande visiblement si j'ai fumé un truc pas net avant de partir grimper. Je décide quand même d'enlever la quincaillerie de mon baudrier et de la foutre dans le coffre, ce serait malheureux de brocher le siège conducteur quand même.

9h, Pied du Hohneck. J'en profite pour annoncer à Perrine que je n'étais plus chauve, c'est chouette, non? Je pensais qu'elle allait me dire "c'est bien, tu assumes ce renouveau et tout et tout", mais non elle opte pour un fou rire ininterrompu qui me met mal à l'aise et me vexe au final:

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Bref, en 2 minutes, moi qui étais content de pas mettre ce foutu masque COVID de merde histoire de respirer un peu, comme j'ai "mal les dents" ainsi que le disent les Vosgiens, je fous ma cagoule, un tour de cou et enfonce mon menton dans le col, histoire de pas me retrouver avec des stalactites douloureuses à la place des canines. 

Nous optons pour les Spitzkoepfe aujourd'hui, ça fait longtemps que je n'y ai pas été, Perrine non plus. Je manque de mourir 15x à cause du vent froid au col de la Wormspel (je dis LA Wormspel parce que ça fait vosgien, les Vosgiens disent toujours LA Wormspel pour se la péter -de quoi, je sais pas-) (d'ailleurs, les Vosgiens du terroir, les purs crus genre la goutte le matin et le feutre vissé sur la tête en permanence écrivent toujours le HONNECK et pas HOHNECK). A la limite, je veux bien HONECK, comme l'avait écrit Jacques Dieterlen hein...

On croise un skieur à LA Wormspel de la HONNECK avec un chihuaha déguisé. Je me doute qu'il est pas vosgien ce clown, alors je lui dis "Elle est pas belle LA Wormspel hein?". Le mec comprend rien à ma question, ça doit être un Alsacien en fait, j'aurais dû m'en douter avec son chihuaha en forme de Knacki. Je contiens mon envie de shooter le molosse dans LA Wormspel et poursuis mon (col du) bonhomme de chemin avec Perrine.

Nous arrivons au Rhodolia entiers malgré le froid, et descendons directement en doublant un club alpi qui pose une main courante pour la descente. Non, non, Perrine et moi on y va direct, histoire de les doubler, je me vois mal avec une cordée de 16 devant moi dans la goulotte, 8 Vosgiens, 8 Alsaciens, le cauchemar. Arrivés au pied de la goulotte des Spitz, nous nous encordons et démarrons l'ascension. La sous-couche est nickel, tout ce qui devait purger a purgé, on ne brasse pas, les conditions me plaisent. Surtout qu'on est à l'abri du vent. Perrine me demande si je veux grimper en tête, je lui demande si j'ai surtout une tête à grimper. La rimaye au niveau de l'étranglement présente un trou énorme. Assez classique, mais infranchissable, cette fois.  Elle me demande si j'ai pas une variante en tête, je lui hurle que mon premier topo "Alpinisme Hivernal au Hohneck" étant épuisé, ça lui coûtera 50 balles l'info. Bon je rigole, j'ai juste pas digéré le rire à cause de ma perruque. Nous prenons donc la variante de gauche, plus aisée pour retrouver les Crêtes (les Vosgiens disent toujours LES Crêtes. ("Ah oui tu fais quoi aujourd'hui?" "Je vais sur LES Crêtes")). 

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Bref, je les ai rejointes (les Crêtes) sans encombre, et Perrine arrive dans la foulée avec son petit air guilleret et son sac à dos Ketchoua 3 litres et me sort "Il fait bon quand même aujourd'hui". Comme je ne suis plus vexé par l'épisode de la perruque, je lui dis pas qu'il y a qu'à Nice, sur le Cours Saleya avec un bon rosé et une socca qu'il peut faire bon un 14 Février, je me contente donc de lui répondre que j'aurais bien mis 3 chaufferettes par gant au lieu d'1. Mais bon, bref, elle est belle la Wormspel de la Honneck de là où on est:

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Et donc, il est 10h30 et j'irais bien prendre l'apéro et jouer de la guitare pour finir la matinée, mais Perrine me propose de descendre le couloir 1 des Spitz pour remonter le couloir 3. J'aime bien quand on parle comme ça. C'est clair, net et précis. Je me souviens quand je suis arrivé dans les Vôôôsges en 2007, c'était un bordel pas possible pour différencier tous ces couloirs dans la Face Nord des Spitz. Alors que maintenant, finies les discussions sans fin "On descend le 1 et on remonte le 3, et basta".

Ben, c'est ce qu'on a fait. Comme je suis galant, j'ai laissé la Miss grimper en tête le premier tiers avec le passage glacé. Après tout, c'est elle la grimpeuse. Mais bon, ça m'a coûté hein de grimper en second, assuré bien sec dans le passage en glace. Oh lalalala, que j'aurais aimé le grimper en tête ce passage

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Et c'est ainsi que nous rejoignîmes les Crêtes de la Wormspel de la Honneck autour de midi, le coeur léger et vaillant, le visage irradié par la lumière d'un soleil qui nous avait fait un Fuck tout le mois de Janvier. En rentrant, je me suis dit "encore une sortie que je termine vivant, c'est déjà une bonne chosee". Soulagé comme jamais, je laisse Perrine regagner son Alsace pas natale du tout, quand au moment de faire démarrer ma Limousine (ça paie les droits d'auteur, je vous dis pas), je reçois un SMS de Franck "Je suis rentré de Turquie, on va grimper quand?". Et meeeerde.

28 août 2020

La reine de la piste au Geltenhorn (3065m)

Lorsque Perrine m'a contacté il y a quelques jours pour me proposer une sortie alpinisme dans les Alpes, j'ai bien été obligé de lui rappeler que ces dernières années, j'ai préféré écumer les bars, guitare à la main, pour interpréter mes complaintes blues et folk, plutôt que de m'encorder sur les sommets. 3 années donc que je n'avais pas posé un pied sur un glacier. Mes guitares ont pris la place de mes piolets, king of the blues. Mais une passion ne meurt jamais. Certains ont déjà troqué leurs santiags et leur cuir un peu zone pour des docksides, je peux bien troquer ma folk pour mes Grivel et rechausser des crampons.

De fait, nous optons pour un sommet facile, à l'altitude supérieure à 3000 tout de même et qui ne nécessite pas de faire 5h de route. Le Geltenhorn, à la frontière de l'Oberland Bernois et du Valais, regroupe toutes ces conditions et mon désamour absolu pour les sacs à dos lourds nous amène à choisir la demi-pension à la Geltenhuette.

17kg. Mon sac à dos pèse 17 p@!*in de kilos. Au moment de le balancer dans le coffre de la voiture, je me demande où j'ai merdé. 17kg, je vais crever. Je le vide sur le bitume. Mon matos date un peu, rien de light, la flotte, le matériel pour glacier, ma corde de 50m qui pèse un âne mort, les draps pour le dortoir (COVID oblige), casque, crampons, piolet etc... rien de superflu. Zut. Encore heureux qu'on bivouaque pas bordel, j'aurais payé un sherpa pour faire un "tout-juste-3000" des Alpes.

La route est rapide depuis l'Alsace, à peine plus de 3h30 et le plaisir de retrouver ces paysages. Je remarque qu'ils m'avaient manqué. Nous arrivons à Lauenensee en tout début d'après-midi. L'objectif est au dessus de nous, au loin: le Geltenhorn.

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L'accès à la Geltenhuette exige un effort modéré, elle peut être atteinte en 1h45 à un rythme lent. Si le sac à dos est fautif, il faut reconnaître qu'avec même un poids moindre sur les épaules, la beauté des paysages où l'eau est omniprésente, invite à la contemplation:

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Nous parvenons rapidement à notre objectif du jour, la Geltenhuette. Le cadre est enchanteur, l'accueil agréable et souriant. Il n'y aura pas foule ce soir, une dizaine de personnes tout au plus. C'est un plaisir immense de pouvoir s'envelopper dans une sorte de cocon de bien-être, le site est enchanteur, la sieste sur le banc face au soleil délicieuse, et la perspective d'une "ascension plaisir" par beau temps le lendemain réjouissante.

Nous prenons place à 18h30 à une table du refuge tandis que le jour décline. Perrine est stupéfaite de découvrir à l'autre bout de la table (COVID oblige, ça va on vous la fait plus) son voisin de village alsacien, ce dernier accompagné d'un ami de randonnée. Si c'est pas fou. Nos 2 voisins de tablée sont fort sympathiques. Depuis le coin de ma table, le débit de parole de l'un des 2 est encore plus impressionnant que la Face Nord de l'Eiger au coeur de l'hiver depuis Grindelwald. A 21h, je ne me fais pas prier pour rejoindre le dortoir. Pas de vaisselle, rien à ranger, pas d'histoires avant d'aller au lit à raconter. J'ai juste oublié de prendre un bouquin. C'est trop con, mon sac n'était plus à 500 grammes près.

Réveil à 5h après une nuit à somnoler. Petit déjeuner, la salle est quasi-vide, j'aime particulièrement ces moments où l'on se prépare alors que le refuge est encore en mode nocturne. La gardienne est déjà présente bien entendu, et attentive à notre petit déjeuner ainsi qu'à notre course. Le départ se fait à 6h, mon pas est très lent, Perrine s'y adapte sans mot dire (et sans maudire, mais elle prépare sa vengeance pour plus tard). En une vingtaine de minutes, nous dépassons un petit col, les frontales ne sont plus utiles et entrons dans le Rottal. L'endroit est magique, extraordinaire, nous sommes face à une immense falaise depuis laquelle tombent des cascades, pour certaines supérieures à 200m. J'ose affirmer, mais c'est une appréciation tout à fait personnelle, que je n'ai jamais rien vu d'aussi beau. Quelques jours plus tard, le souvenir de cet endroit m'émeut encore.

Nous longeons le Rottal en traversant un plateau puis entamons véritablement l'ascension. Petit à petit, le paysage devient de plus en plus minéral, traversons un ruisseau pour rejoindre les flancs du Geltenhorn. La sente n'est pas toujours aisée à suivre, mais l'itinéraire logique. Vers l'altitude 2600, nous faisons confiance à notre insctinct et délaissons la sente qui mène au Col du Brochet pour prendre main droite vers des gradins rocheux que nous gravissons. Le choix est bon, il nous permet de prendre pied directement sur le glacier:

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 Le plaisir que j'éprouve à progresser sur le glacier est saisissant. J'avais oublié à quel point j'aimais ce moment du premier crissement du glacier sous le crampon, de la vigilance qui s'impose à nous, de la fatigue qui disparaît. On "entre" en montagne réellement, avec beaucoup d'humilité et au moins autant de bonheur. Les crevasses sont rares en surface, mais l'attention à chaque pas est maximale. Je me souviens de crevasses que je longeais d'une immensité aussi effroyable que fascinante. Le glacier est traversé en à peine 30 minutes, je pense alors au poids de mon sac pour ces 30 minutes et souris intérieurement. Mais j'aurais porté le double pour retrouver ce bonheur. Seuls au monde, nous abandonnons notre matériel d'encordement au bord du glacier et terminons l'ascension allégés et émerveillés par les paysages qui s'offrent à nous:

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  Le Wildhorn est derrière nous. Le sommet tout proche, face à nous. Le fouler avec ce panorama sous les yeux fait indéniablement partie des plus beaux moments d'une existence d'amoureux de la montagne:

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 Nous resterons une demi-heure au sommet, l'oeil perdu devant tant de beauté. La redescente se fait en silence et nous retrouvons que nous traverserons différemment afin d'approcher de plus près le col du Brochet et découvrir ainsi de nouveaux paysages:

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Une fois déséquipés, nous replongeons dans un monde minéral que j'affectionne particulièrement. Probablement en raison de mon Amour pour le Mercantour, ces paysages lunaires m'ont toujours fasciné.

C'est alors que le drame de ces 2 jours va se dérouler, évidemment sans prévenir. Au milieu des éboulis, alors que mon esprit divaguait de cols en sommets, Perrine m'annonce de but-en-blanc qu'elle a une chanson en tête depuis 3 heures. Je la supplie de ne pas m'en dévoiler le titre afin de ne pas avoir à subir la même torture, mais non, que nenni, la reine de la piste me balance comme ça "Dancing Queen d'ABBA, tu connais?" . Très honnêtement, si elle m'avait balancé ça sur le glacier, je me serais désencordé et jeté dans une crevasse pour en abréger mes souffrances. Je regarde les rochers autour de moi et la perspective de me jeter de ma propre hauteur sur un rocher proche me semble ridicule et déplorable. Je choisis donc de souffrir en silence comme toi dorénavant cher lecteur ;)

Et c'est donc en dandinant du cul avec des pas de danse tout droits sortis des années 70, genre doigt levé à l'oblique vers le ciel et une main posée sur la hanche que nous retournons au refuge puis au parking en retraversant ces paysages que j'ai hâte de retrouver à l'avenir. Car une chose est certaine: je n'attendrai plus jamais 3 ans avant de retrouver les sommets alpins, dussé-je subir le juke-box cérébral de Perrine durant toute la course:

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13 décembre 2019

"Alpinisme hivernal dans les Hautes-Vosges", le topo!

Coucou les amis!

  Chose promise, chose due: vous pourrez trouver sous votre sapin de Noël notre topo écrit avec Perrine "Alpinisme hivernal dans les Hautes-Vosges", il vient d'être publié début Décembre.

Ceux qui suivent le blog savent à quel point la réalisation de ce topoguide nous a pris du temps. Le plaisir de tenir cet ouvrage dans les mains est à la hauteur des efforts engagés et nous espérons vivement qu'il vous plaira. Tous vos retours sont les bienvenus!

Du coup, comme je vais avoir enfin plein de temps libre, je vais pouvoir de nouveau raconter un tas de conneries sur ce blog. A très vite!

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21 janvier 2019

Le Cul de la Pucelle

Je sais, mes billets sont de pire en pire chaque année, inutile de m'en faire la remarque. A ce rythme-là, je fais précéder en 2020 mon blog d'une petite fenêtre "Confirmez-vous avoir plus de 18 ans?". Bonne lecture et bonne saison de hohneckisme à tous.

9h du matin, parking du Pied du Hohneck, j'ai la tête dans le cul. Toujours les mêmes gestes depuis 10 ans, quitter la voiture surchauffée, s'équiper derrière le véhicule à la merci du vent et des morsures du froid. Une  bonne petite onglée pour commencer la journée, suivie d'une rupture des ligaments croisés quand tu enfiles les crampons et une bonne petite lésion au ménisque pour mettre ces putains de guêtres. Y'a des fois, en vosginisme, t'es à peine équipé que t'as déjà envie de t'écrouler derrière ta voiture et te laisser mourir. Entretemps, Perrine arrive toute guillerette, avec seulement 10 minutes d'avance (donc en retard) et est prête en 2 minutes montre en main. Je la soupçonne de conduire avec le baudrier et les crampons aux pieds, c'est pas possible autrement.

Nous arrivons au Falimont, je suis déjà crevé, mais en fait je le suis depuis le réveil. Il y a déjà du monde, des skieurs, on en croise qui remontent le col, d'autres qui longent la crête et nous saluent. Nous ne verrons aucune cordée de toute la matinée. La visibilité est assez bonne, j'avais quelque appréhension par rapport aux conditions. Elles sont simplement excellentes et le seront en tous secteurs. 

La Martinswand sur notre gauche:

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Nous descendons le Falimont avec Perrine dans une neige absolument idéale, genre une neige dure mais pas trop, juste ce qu'il faut pour rendre la progression agréable, en plus d'être aisée. Perrine me raconte ses aventures à skis, moi ça risque pas, je préfère lui parler de ma nouvelle guitare. Nous décidons alors de nous rendre sur l'épaule Nord du Hohneck, qui regroupe les voies d'ascension mixtes parmi les plus longues du secteur et qui part du Frankenthal afin d'alterner les passages rocheux et en neige. Perrine grimpera en tête sur le rocher (je déteste l'escalade, une horreur ce sport) et moi sur la neige, comme ça tout le monde est content. Le souci avec Perrine, c'est qu'elle se rend pas compte -aveuglée par son enthousiasme et son entraînement de malade - qu'elle a sur rocher un boulet en guise de second et que les passages où elle va jubiler, moi je vais enchaîner les "Je te salue Marie" avec mon chapelet innocemment enroulé autour de mon poignet. Je vous fais pas un dessin, j'en ai chié, mais avec mon plus beau sourire de façade en arrivant au relais:

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Et c'est là que ça a commencé à merder. Dans le silence assourdissant du versant Nord, Perrine me balance, comme ça, gratuitement, sans prévenir, un "J'entends des voix"... Je relève pas trop, je regarde devant moi. Un énorme amas rocheux bien raide auquel on avait pas encore rendu visite à ce jour. Je repense à ce que vient de me dire Perrine et réponds "J'entends pas d'autre cordée, pour être honnête".

Le rocher en face est impressionnant. Deux choix s'offrent à nous, soit on contourne par la gauche, soit on contourne par la droite. Perrine me redit d'un ton neutre à vous glacer le sang, genre la petite fille dans L'exorciste "J'entends des voix, je te dis". 

Comme si je tremblais pas assez comme ça, je lui demande si, elle aussi, à force de voir la Vie en Vosges, elle se transformerait pas en Jeanne D'Arc (tout est vrai dans ce récit, j'invente RIEN, promis hein). Et là, elle me balance un scud, en tout cas c'est l'effet que ça m'a fait: "On va grimper ce rocher et on va l'appeler la voie de la Pucelle du coup". Je rigole une demi-seconde, serre fort mon chapelet, verse une larme du côté du profil où elle ne me voit pas, étouffe un sanglot. Et je sais pas pourquoi ça m'est venu comme ça, mais je regarde le rocher et lui dis "il a l'air d'un gros cul ton rocher, je sais pas si ça se grimpe". Va dire ça à Perrine, tout se grimpe... (et merde...). Ce qui est marrant, c'est que pour accéder, il faut pénétrer dans une petite goulotte étroite en son centre. Comme si ça ne me suffisait pas d'avoir la tête dans mon propre cul ce matin, il fallait donc que je jette un oeil dans celui d'une Pucelle. Fait chier. 

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Arrivés dans le fond du Cul de la Pucelle (c'est comme ça qu'on va appeler le relais au pied des rochers), Perrine me fait remarquer que les arbustes sont beaucoup plus rares -pour poser des points - dans l'amas rocheux rocheux qui nous attend. Comme j'ai perdu tout espoir, ne serait-ce que de survivre aux 30 prochaines minutes, je lui balance un laconique "Vu où nous sommes, c'est bien normal qu'il y ait du gaz et que la pilosité soit raréfiée". Peut-être pour ça aussi que j'ai du mal à respirer correctement mais Perrine s'en fout, elle est heureuse, et part dans une voie typiquement perrinesque, j'ai juste loooonnnguement serré les fesses, les miennes pour le coup. Ca a grimpé, puis on est parti sur la droite dans une traversée "expo" que Perrine qualifierait plutôt de "rigolote".

Nous retrouvons un couloir de neige, j'en profite pour remercier St Antoine d'avoir retrouvé le cours de ma vie normale. Plutôt que de terminer la voie par une pente de neige, nous partons sur la droite vers un petit rocher que nous avions beaucoup aimé grimper il y a 3 ans à l'issue de la Voie de la Broche , juste pour finir l'ascension de cette très belle épaule Nord:

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Au final, cette ascension a été une des plus intéressantes et variées que nous ayons faites avec Perrine, et cette Epaule Nord apporte vraiment un bonus de dénivelé bienvenu à des ascensions en versant Nord souvent brèves. Nous n'avions plus qu'à retourner au Pied du Hohneck pour aller boire une bière bien méritée. Cul-sec évidemment.

Quant à ceux qui veulent savoir comment on peut envoyer des cordées dans le cul de la Pucelle, avant de vous faire un topo un peu plus professionnel que ce présent billet de blog -je vous tiendrai au courant - , je vous laisse une photo de l'itinéraire, en attendant bon hiver et bonnes grimpes à tous!

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25 mars 2018

Une bonne bouteille au Dago!

On va se passer de narration aujourd'hui chers lecteurs fidèles du blog. On peut pas vraiment dire qu'on ait grimpé, on a surtout pris du bon temps, contemplé, et bu une bonne bouteille au dernier relais. Ce qui a permis à Perrine de sortir des petites perles du style "j'ai jamais terminé une voie bourrée tiens..." ou alors "ouh que je grimpe mal quand j'ai bu". Je vous mets quand même les photos pour ceux qui veulent voir l'enneigement actuel. D'ailleurs à ce titre, si les arêtes sont déjà bien sèches, les couloirs sont quant à eux encore hyper gavés. A bon entendeur ;) 

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9 mars 2018

Terminus au Batteriekopf

Pendant de nombreuses années, je ne suis allé grimper qu'au Hohneck. Tout le monde grimpe au Hohneck, et cela se comprend aisément d'une part, parce que ce sommet regorge d'itinéraires merveilleux, et d'autre part parce qu'il bénéficie d'un foutu bon topoguide beau à en pleurer, non mais sans rire :p . Mais le Hohneck n'est pas le seul et unique secteur d'alpinisme hivernal que l'on peut avoir dans les Vosges et qui mérite réellement que l'on s'y attarde pour en répertorier des itinéraires à même de susciter l'intérêt et l'enthousiasme pour les vosginistes. 

Ces dernières années nous avons avec Perrine grimpé dans de nombreuses voies en dehors du massif du Hohneck. Certaines de ces ascensions ont fait l'objet d'un compte rendu sur ce blog, que ce soit sur le Rainkopf, le Rothenbachkopf, le Tanet, le Forlet, d'autres sont restées confidentielles et seront présentées plus tard. Comme ce n'est pas chose simple de glâner des informations concernant le potentiel "alpin" de ces autres secteurs,  durant 3 années, nous n'avons donc fait confiance qu'à notre propre cordée avec Perrine, nos propres choix, nos propres observations et nous vous les transmettrons en temps et en heure sur ce blog.

J'ai écrit "Terminus" dans le titre, parce que le Batteriekopf était le dernier sommet que nous souhaitions analyser sous toutes ses coutures. Il est éloigné, très éloigné du point de vue des marches d'approche vosgiennes, c'est son point faible. Ou son point fort, à chacun de voir quelles attentes il place dans ses ascensions. Là encore, les détails des voies seront transmis ultérieurement, tout ce qu'on peut vous dire, c'est que sommet -au potentiel de grimpe géographiquement réduit - est un vrai bijou dont les panoramas que nous avons contemplés tout au long de la journée ont été le parfait écrin:

Départ depuis la ferme-auberge du Breitgauner avec passage par le Firstmiss et vue sur le versant NE du Rainkopf:

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 Passage par le Rothenbachkopf:

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Détour par la chaume du Herrenberg pour une jolie photo, on est alors à 10km du point de départ:

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 Retour au Batteriekopf pour une prospection complète et dont le début des voies se trouve à proximité immédiate de la ferme-auberge du Steinwasen:

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 Pour le reste, je vous souhaite à tous une excellente fin de saison d'alpinisme hivernal dans les Vosges, gaffe au redoux. Pour notre part, comme c'est le terminus, on descend du train avec la satisfaction d'avoir bouclé notre projet avec Perrine. Ce qui ne nous empêchera pas de retourner faire une voie avec une bouteille de champagne dans le sac pour fêter ça. Au Hohneck, cette fois.

7 mars 2018

Oh Tanet beau! Oh Tanet beeeaaauuuu!

La face Est du Tanet est vraiment impressionnante. Perrine et moi regardons 2 jeunes chamois évoluer avec une aisance incroyable sur les moindres petites vires déversantes de la face, plusieurs dizaines de mètres au dessus de nos têtes. Le silence est de circonstance pour admirer leur agilité. Il faut dire que je suis très envieux, jaloux même, d'autant plus que j'ai progressé tant bien que mal jusqu'au pied de la face en m'enfonçant systématiquement dans une neige pourtant dure, et ce dès que je prenais appui. A mon avis, même les vaches vosgiennes ont un cul moins gros que le mien tellement l'effort répété pour me dégager des trous me lasse.

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 Perrine m'observe, je sens qu'elle va dire un truc, et elle dit un truc en effet: "Krampus, si les chamois ils passent, nous aussi on peut passer". La première chose qui me vient à l'esprit (faut quand même savoir que ça fait 15 ans qu'on grimpe avec Perrine, elle doit me connaître, non?) est qu'elle est sous LSD ou je ne sais quoi pour imaginer ne serait-ce qu'une foutue seconde que je vais suivre ces chamois. Je dis rien en guise de réponse (j'avais surtout peur d'avoir l'air con en disant quelque chose). Elle insiste et l'étau se resserre sur moi "On y va?" . Grand moment de vérité. C'est moi le mec de la cordée, faut que j'assure quoi ;) Du coup, je fais semblant d'hésiter (alors que dans ma tête c'est tout vu, niet niet niet). Bon, à défaut d'assurer, je vais l'assurer elle et lui sors une excuse bidon comme on n'en entend jamais en montagne: "écoute, si moi je vais là-dedans, je me tue direct, et là à froid ça me gêne un peu en fait, je préfèrerais me casser la gueule quand je serai un peu plus chaud".

Bon, ben elle y va. Faut dire que c'est une grimpeuse, elle, du genre à s'entraîner 3x par semaine sur rocher. Comme moi, mais par an, et encore:

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Et donc, la miss grimpe, met son point histoire de dire, va rendre visite à la cascade de glace, fait sa voie, tranquille mimile, prospecte de partout et revient en rappel "C'est bon on peut maintenant commencer à grimper" me lâche-t-elle au retour. Je me tais. Toujours se taire, rien dire. Il vaut toujours mieux se taire et essayer de balancer un regard genre un peu futé plutôt qu'ouvrir la bouche et passer pour un con. On poursuit notre chemin et nous passons sous la goulotte centrale qu'on avait faite l'an dernier, à proximité de laquelle on pensait éventuellement faire une voie de "réchappe". Y accéder signifierait inévitablement s'attarder sous la corniche de la goulotte centrale. Monstrueuse (la photo rend mal la dimension exceptionnelle de cette corniche entièrement au dessus du vide.) Il est hors de question de rester exposés à son éventuelle chute. Une photo et zou on dégage, vite fait bien fait:

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 Nous poursuivons notre prospection sur tout le versant Est du Tanet, prenons des notes, grimpons, redescendons, les heures défilent. Ayant oublié comme un couillon de la lune mes guêtres, et celles intégrées à mon futal étant mortes et ridiculement inefficaces comme le PSG en Champion's League, mes petons sont détrempés et gelés. Pas grave, je prends sur moi, j'avais pas qu'à oublier mes guêtres. Faut dire que j'ai oublié la bouffe aussi. Et la flotte. En fait, j'avais juste récupéré mon sac auquel j'avais pas touché depuis la dernière fois (quand même pensé à vérifier mon ARVA, faut pas pousser).

La zone rocheuse arrivant à son terme, nous longeons les rochers par une pente de neige d'apparence débonnaire. On monte, les 30° deviennent rapidement du 35°, puis du 40°... 45°... Je regarde Perrine devant moi, elle en a rien foutre cette fille, ça peut monter dans du 85°, ça la fera même pas tiquer on dirait. Je dis rien, après tout c'est moi le mec, n'est-ce pas? A une centaine de mètres sous la corniche, je vois que la pente va encore se redresser et je sens que c'est le moment pour en placer une, genre je fais pas ça pour moi mais pour elle "Excuse moi Perrine de te déranger, mais est-ce qu'on pourrait éventuellement considérer l'hypothèse de sortir la corde?" "Bien sûr, pas de problème" me répond-t-elle. Au moins, j'ai échappé au "Ah bon, pourquoi?". On se vache à un relais, encordement, déploiement tactique, je fais mon Unai Emery pour lui expliquer comment je vois la suite. Perrine me demande si je veux sortir par la grosse corniche au dessus. Là, je sais plus quoi répondre, alors je dis "Non, elle me fout la trouille". "Ah OK, c'est une bonne raison on va se déporter vers la gauche alors." Putain les copains, je l'ai échappée belle. En route pour la sortie:

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 Arrivés au sommet (enfin, façon de parler) dans une neige excellente qui s'est encore redressée jusqu'à un bon 55° sur toute la dernière partie où piolets et crampons accrochent parfaitement en s'enfonçant juste comme il faut, on taille le bout de gras avec des skieurs très sympathiques de Strasbourg et de Vendée qui nous rejoignent "On vous a pris en photo d'en face, on vous les enverra dans quelques jours". Ah ben oui, je veux bien, ça fera un souvenir sympathique de la sortie. De cette très belle sortie même, qui s'est terminée par une descente face au versant Est du Tanet, histoire d'admirer avec un peu plus de recul la beauté de ce sommet et des voies qu'il propose. 

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(photos Dominique L.)

 

 

10 février 2018

Chou blanc pour les bachi-bouzouks de Hurlevent

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 "Let's shake hands, oh baby, let's shake hands!!" . 10 Février, l'après-midi est on ne peut plus calme, cosy et détendue. La seule question que je me pose est loin d'être existentielle: "Est-ce que cette reprise des White Stripes que je suis en train massacrer à 115dB aura d'abord raison de la patience de ma voisine ou du bon fonctionnement de mes tympans?" Quelques accords plaqués tel un mur du son de distortion qui traînent en longueur, une courte pause dans le morceau, le téléphone en profite pour  sonner. Mon fixe. 

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 "Salut krampus, c'est Perrine, nous gonfle pas avec ta guitare, manquerait plus que t'en parles sur ton blog à la longue, demain tu rappliques, on fait l'arête secrète qu'on a repérée l'an dernier" "Perrine, tu veux pas te montrer un peu plus convaincante?" "J'ai une bouteille de whisky, du Laphroaig, je l'apporte demain". Nomdediou, elle me sait me parler la Perrine!! Autrefois, nos discussions techniques étaient plutôt du style "Ouais, tu m'prends 4 friends en 1.5 pour demain, ouais c'est ça en polyuréthane projeté 8x8" Maintenant, c'est plutôt "le 12 ans d'âge c'est quand même un minimum pour un bon whisky si tu veux mon avis"

Nous nous rencontrons le lendemain, après un début de journée que j'ai passé à râler dans ma barbe sur le fait que j'ai rien trouvé de mieux à faire dans la vie que de me lever encore plus tôt le Dimanche qu'en semaine. Pas un chat sur la route, remarque c'est pas plus mal, vu ma qualité d'éveil, il échapperait pas à mes roues le matou, et très honnêtement je suis pas d'humeur à ramasser les morceaux:

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Perrine est venue avec Greg, ce sera une de ses toutes premières sorties alpinisme. Je les accueille à la Schlucht dans la grisaille, le froid et le vent qui hurle, avec des mots très chaleureux en guise de salutations "Mais quelle météo de meeeeeeeeeerde!!!!". Perrine me regarde d'un oeil rassuré, elle sent bien que je vais mieux ces jours-ci, tant que je râle, je vis. Nous poussons plus loin en direction du Kastelberg où nous laissons nos voitures pour nous équiper. Et là, je vous jure que c'est vrai (tout est vrai d'ailleurs sur ce blog!), elle avait 20 litres de lait dans le coffre! 20 litres de lait! Elle essaye de m'expliquer, et avant qu'un seul mot ne soit prononcé, je lui dis que, quoi qu'elle dise, ça figurera sur mon blog. Du coup, elle n'a pas même plus envie de se justifier, n'empêche bordel, 20 litres de lait, c'est la "Ferme des 1000 Vaches" sa Dacia:

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 Puis pour noyer le poisson (et le Krampus), elle me demande si j'ai pris ma petite flasque pour y verser la larmichette de whisky Laphroaig qu'elle a rapporté pour notre sortie. Merde. Et re-merde, la flasque. Je l'ai oubliée. Bon sang, on peut oublier une corde, un baudrier, les piochons mais pas la flaaaassque!! Je sais que je viens de commettre une grosse erreur. C'est juste rageant, comme si on avait apporté une bouteille vide:

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 Bon, pour ceux qui suivent le blog (je vous aime, les amis) , vous vous souvenez les discussions des sorties passées avec Perrine? "On prend les raquettes?" "Je sais pas, t'en penses quoi?" "Ecoute j'hésite, qu'est-ce que t'en dis?". Bon, vous remplacez là les "raquettes" par le "whisky". Et il était à peine 9h ce matin, sur le parking du Breitsâoulard. Honteux. On s'est regardés et elle m'a demandé "C'est ça nos discussions matériel d'avant-course maintenant?" Greg nous regarde interloqué, il n'ose dire mot, et finalement en place une quand même: "ça a l'air sympa l'alpi avec vous". 

On commence notre approche par le moment le plus délicat de la journée. Longer le Breitchoufi. Faut pas que je regarde cet établissement, ça va me pourrir la journée. On arrive aux pistes. Désertes. Personne. Si, un mec, un seul, sur son tire-cul. Belin (c'est un terme mentonnais) , y'a qu'un seul mec sur une piste large comme le Rhin et j'ai failli me le prendre. Greg est un peu stressé, la météo n'aide pas. J'essaie de le rassurer en lui disant qu'une avalanche s'est produite il y a 3 jours au Rainkopf et que les conditions sont merdiques, il me répond: "Vous avez pas pris la bouteille finalement? J'aurais bien bu un coup". Perrine lui explique qu'elle a 200kg de quincaillerie dans le dos et une corde de 70m, plus des raquettes aux pieds et qu'elle assumait pas le fait d'avoir une bouteille de whisky qui dépasse du sac à dos. Quant à moi, c'est pareil, je croule tellement sous le poids du sac et mes pieds s'enfoncent tellement dans la neige que j'ai l'impression d'être devenu Passe-Partout. On poursuit notre chemin cahin-caha (jamais compris ce que ça veut dire, mais je le place quand même, de toute manière je vise pas le Goncourt). Et là, on arrive au Col après une marche épuisante de 8 heures (en ressenti). Alors, quand il fait moche en hiver dans les Vosges (c'est ça, vous m'avez compris), je vous propose d'aller à un col sur les Crêtes. FA FOUFFLE A MORT!!!!

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 Nous arrivons à proximité du col du Leckmichamarsch (toute la légendaire poésie alsacienne dans un concentré sémantique), pour y grimper une arête que je rêve de remonter et de coter. Bon, déjà le paysage me calme, le vent hurle, ça caille sa mère, et les corniches sont monstrueuses. Je m'avance prudemment, à distance raisonnable de l'arête, Perrine s'arrête, une corniche massive s'effondre sous nos yeux. J'étais déjà calmé, mais alors là, je suis plus que calmé, genre Bouddha si vous voyez ce que je veux dire. Perrine m'invite à reculer de quelques pas supplémentaires. L'accès à l'arête est totalement impossible, surplombé par des corniches massives. Au Sud, d'autres corniches qui remontent vers le sommet. On marche donc une centaine de mètres vers le Nord, une pente raide semble indiquer la fin de la zone cornichée. Perrine sort sa 70m, indique qu'elle a été bien lovée mais peut se montrer capricieuse par temps humide. Je saisis pas très bien, mais on équipe 2 poteaux pour poser une main courante qui descend droit dans la pente histoire de voir en bas si j'y suis. Perrine demande qui y va, Greg demande si on prendra du Bourbon la prochaine fois, et moi j'ai envie d'y aller. Vite fait, mal fait, j'y vais et quand la pente commence à bien se raidir sous mes pieds, la corde fait un monstrueux tas de nouilles, à tel point que j'ai l'impression d'écouter "The Spaghetti Incident?!" des Guns n'Roses:

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 Obligé de remonter comme un couillon pris la main dans le sac pour incompétence éliminatoire. Perrine démêle les 678 noeuds en 67.8 secondes. On y retourne, cette fois c'est la bonne (du coup, je prends mon piolet que j'avais zappé, déjà que j'ai pas mis les crampons...), la corde est assez longue, je descends d'une bonne dizaine de mètres en rappel, la pente de neige est très raide, un bon 55° peut-être même 60°. Je me déporte tant bien que mal vers la droite pour essayer de repérer et photographier l'arête et l'aperçois à une cinquantaine de mètres malgré la visibilité très réduite. Un chamois passe à une vingtaine de mètres, faudrait pas qu'il déclenche une coulée, j'essaie de le lui expliquer posément vu que j'ai atteint le Nirvana bouddhiste il y a une vingtaine de minutes:

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 La neige porte peu dans cette pente.  Je regarde de nouveau l'arête à ma droite. Mes compagnons du jour pourraient descendre à leur tour et nous arriverions aisément à rejoindre la base de l'arête. Mais il nous faudrait alors passer sous les corniches massives. La neige ne me plaît pas non plus aujourd'hui. Une plaque se décroche à proximité, pas bien grande, pas bien épaisse, mais c'en est assez.Tant pis, je remonte:

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 Arrivé en haut en remontant avec un système d'auto-assurage et une poignée, je trouve mes compagnons blanchis et gelés par l'attente. On dirait l'abominable homme des neiges et l'abominable femme des neiges. D'ailleurs vous connaissez la différence entre les 2? (une abominable paire de ...)(OK c'était facile, mais faut bien raconter quelque chose sur mon blog vu qu'on est arrivés à rien aujourd'hui). Bref, on plie bagage, tout le monde semble en avoir ras-le-casque des conditions, c'est pire que les Hauts de Hurlevent ici:

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 Le retour se fait tranquillement, avec une petite pause du côté du couloir de Blanchemer où nous avons pu admirer un skieur faire de jolies courbes dans la neige. Lui n'a pas perdu sa matinée visiblement!

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 Arrivés au parking, pour fêter notre perte de temps ce matin, mes amis me proposent un verre au Breitspinner. Mon Dieu, moi qui m'étais promis de ne plus mettre les pieds dans cet établissement qui réussit le tour de force de remporter le championnat, année après année, de l'accueil le plus exécrable du massif (et pourtant la concurrence est rude). En tout cas, ils n'ont pas failli à leur réputation et ça m'a permis de lâcher 2/3 jurons que j'avais encore en rab' pour la matinée.

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 Revenu chez moi à Lac-lac-Land, ma fille m'a demandé si c'était bien aujourd'hui ma sortie. "Très bien ma chérie, très très bien, j'aime beaucoup ces moments de plénitude où je me pose enfin". Pas sûr que Perrine et Greg aient passé la même matinée.

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