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Vosginisme & Randonnée
28 août 2020

La reine de la piste au Geltenhorn (3065m)

Lorsque Perrine m'a contacté il y a quelques jours pour me proposer une sortie alpinisme dans les Alpes, j'ai bien été obligé de lui rappeler que ces dernières années, j'ai préféré écumer les bars, guitare à la main, pour interpréter mes complaintes blues et folk, plutôt que de m'encorder sur les sommets. 3 années donc que je n'avais pas posé un pied sur un glacier. Mes guitares ont pris la place de mes piolets, king of the blues. Mais une passion ne meurt jamais. Certains ont déjà troqué leurs santiags et leur cuir un peu zone pour des docksides, je peux bien troquer ma folk pour mes Grivel et rechausser des crampons.

De fait, nous optons pour un sommet facile, à l'altitude supérieure à 3000 tout de même et qui ne nécessite pas de faire 5h de route. Le Geltenhorn, à la frontière de l'Oberland Bernois et du Valais, regroupe toutes ces conditions et mon désamour absolu pour les sacs à dos lourds nous amène à choisir la demi-pension à la Geltenhuette.

17kg. Mon sac à dos pèse 17 p@!*in de kilos. Au moment de le balancer dans le coffre de la voiture, je me demande où j'ai merdé. 17kg, je vais crever. Je le vide sur le bitume. Mon matos date un peu, rien de light, la flotte, le matériel pour glacier, ma corde de 50m qui pèse un âne mort, les draps pour le dortoir (COVID oblige), casque, crampons, piolet etc... rien de superflu. Zut. Encore heureux qu'on bivouaque pas bordel, j'aurais payé un sherpa pour faire un "tout-juste-3000" des Alpes.

La route est rapide depuis l'Alsace, à peine plus de 3h30 et le plaisir de retrouver ces paysages. Je remarque qu'ils m'avaient manqué. Nous arrivons à Lauenensee en tout début d'après-midi. L'objectif est au dessus de nous, au loin: le Geltenhorn.

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L'accès à la Geltenhuette exige un effort modéré, elle peut être atteinte en 1h45 à un rythme lent. Si le sac à dos est fautif, il faut reconnaître qu'avec même un poids moindre sur les épaules, la beauté des paysages où l'eau est omniprésente, invite à la contemplation:

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Nous parvenons rapidement à notre objectif du jour, la Geltenhuette. Le cadre est enchanteur, l'accueil agréable et souriant. Il n'y aura pas foule ce soir, une dizaine de personnes tout au plus. C'est un plaisir immense de pouvoir s'envelopper dans une sorte de cocon de bien-être, le site est enchanteur, la sieste sur le banc face au soleil délicieuse, et la perspective d'une "ascension plaisir" par beau temps le lendemain réjouissante.

Nous prenons place à 18h30 à une table du refuge tandis que le jour décline. Perrine est stupéfaite de découvrir à l'autre bout de la table (COVID oblige, ça va on vous la fait plus) son voisin de village alsacien, ce dernier accompagné d'un ami de randonnée. Si c'est pas fou. Nos 2 voisins de tablée sont fort sympathiques. Depuis le coin de ma table, le débit de parole de l'un des 2 est encore plus impressionnant que la Face Nord de l'Eiger au coeur de l'hiver depuis Grindelwald. A 21h, je ne me fais pas prier pour rejoindre le dortoir. Pas de vaisselle, rien à ranger, pas d'histoires avant d'aller au lit à raconter. J'ai juste oublié de prendre un bouquin. C'est trop con, mon sac n'était plus à 500 grammes près.

Réveil à 5h après une nuit à somnoler. Petit déjeuner, la salle est quasi-vide, j'aime particulièrement ces moments où l'on se prépare alors que le refuge est encore en mode nocturne. La gardienne est déjà présente bien entendu, et attentive à notre petit déjeuner ainsi qu'à notre course. Le départ se fait à 6h, mon pas est très lent, Perrine s'y adapte sans mot dire (et sans maudire, mais elle prépare sa vengeance pour plus tard). En une vingtaine de minutes, nous dépassons un petit col, les frontales ne sont plus utiles et entrons dans le Rottal. L'endroit est magique, extraordinaire, nous sommes face à une immense falaise depuis laquelle tombent des cascades, pour certaines supérieures à 200m. J'ose affirmer, mais c'est une appréciation tout à fait personnelle, que je n'ai jamais rien vu d'aussi beau. Quelques jours plus tard, le souvenir de cet endroit m'émeut encore.

Nous longeons le Rottal en traversant un plateau puis entamons véritablement l'ascension. Petit à petit, le paysage devient de plus en plus minéral, traversons un ruisseau pour rejoindre les flancs du Geltenhorn. La sente n'est pas toujours aisée à suivre, mais l'itinéraire logique. Vers l'altitude 2600, nous faisons confiance à notre insctinct et délaissons la sente qui mène au Col du Brochet pour prendre main droite vers des gradins rocheux que nous gravissons. Le choix est bon, il nous permet de prendre pied directement sur le glacier:

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 Le plaisir que j'éprouve à progresser sur le glacier est saisissant. J'avais oublié à quel point j'aimais ce moment du premier crissement du glacier sous le crampon, de la vigilance qui s'impose à nous, de la fatigue qui disparaît. On "entre" en montagne réellement, avec beaucoup d'humilité et au moins autant de bonheur. Les crevasses sont rares en surface, mais l'attention à chaque pas est maximale. Je me souviens de crevasses que je longeais d'une immensité aussi effroyable que fascinante. Le glacier est traversé en à peine 30 minutes, je pense alors au poids de mon sac pour ces 30 minutes et souris intérieurement. Mais j'aurais porté le double pour retrouver ce bonheur. Seuls au monde, nous abandonnons notre matériel d'encordement au bord du glacier et terminons l'ascension allégés et émerveillés par les paysages qui s'offrent à nous:

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  Le Wildhorn est derrière nous. Le sommet tout proche, face à nous. Le fouler avec ce panorama sous les yeux fait indéniablement partie des plus beaux moments d'une existence d'amoureux de la montagne:

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 Nous resterons une demi-heure au sommet, l'oeil perdu devant tant de beauté. La redescente se fait en silence et nous retrouvons que nous traverserons différemment afin d'approcher de plus près le col du Brochet et découvrir ainsi de nouveaux paysages:

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Une fois déséquipés, nous replongeons dans un monde minéral que j'affectionne particulièrement. Probablement en raison de mon Amour pour le Mercantour, ces paysages lunaires m'ont toujours fasciné.

C'est alors que le drame de ces 2 jours va se dérouler, évidemment sans prévenir. Au milieu des éboulis, alors que mon esprit divaguait de cols en sommets, Perrine m'annonce de but-en-blanc qu'elle a une chanson en tête depuis 3 heures. Je la supplie de ne pas m'en dévoiler le titre afin de ne pas avoir à subir la même torture, mais non, que nenni, la reine de la piste me balance comme ça "Dancing Queen d'ABBA, tu connais?" . Très honnêtement, si elle m'avait balancé ça sur le glacier, je me serais désencordé et jeté dans une crevasse pour en abréger mes souffrances. Je regarde les rochers autour de moi et la perspective de me jeter de ma propre hauteur sur un rocher proche me semble ridicule et déplorable. Je choisis donc de souffrir en silence comme toi dorénavant cher lecteur ;)

Et c'est donc en dandinant du cul avec des pas de danse tout droits sortis des années 70, genre doigt levé à l'oblique vers le ciel et une main posée sur la hanche que nous retournons au refuge puis au parking en retraversant ces paysages que j'ai hâte de retrouver à l'avenir. Car une chose est certaine: je n'attendrai plus jamais 3 ans avant de retrouver les sommets alpins, dussé-je subir le juke-box cérébral de Perrine durant toute la course:

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