Dialogues au(x) sommet(s) en Europe Centrale
La scène se déroule dans une cuisine, très très tard dans la nuit (21h passé) au fin fond de la Haute-Meurthe fin juillet 2014.
Franck: "Krampus, t'as déjà été en Slovaquie?" Le Krampus: "Non, mais moi les pays plats de l'Est, ça m'intéresse pas, je préfère partir en montagne" "Et bien, dans ce cas, fais ta valise, on part faire les points culminants de la Slovaquie, de la Pologne, de la Slovénie..."
Mais bien sûr...
1) République Tchèque/ Sniejka (1602m), 4 Août 2014:
"Bon, il est midi, à 18h faut qu'on soit à Bratislava chez mes potes, en gros ça nous laisse 3 heures pour gravir ce sommet" "On peut pas monter en voiture là-haut? La boîte de nuit à Prague hier, c'était peut-être pas la meilleure idée la veille d'une ascension" "Notre premier sommet, tu veux le faire en caisse? En plus, la route monte pas jusqu'en haut tu sais" "Ouais, mais tes potes Tchèques hier, avec toutes leurs bières, ils m'ont bien ruiné" "Normal, les Tchèques sans provisions, ça existe pas" (...) "Y'a un téléphérique qui monte jusqu'en haut, en plus ça ressemble au Hohneck quand même ici, et si tu veux, je marquerai sur mon blog qu'on a grimpé pendant 8h, on s'en fout personne vérifiera" "...Le téléphérique s'arrête aussi à mi-chemin... ça nous laisse le temps d'être à Bratislava à l'heure en plus" "Banco"
Et c'est ainsi que, après 8 1h d'ascension extrême sans m'en rendre compte, je foulus foula foulis, j'ai marché avec Franck sur le point culminant de la Tchéquie pour la première fois, avant de rejoindre un énième bar rempli de bières, car pour sûr le Tchèque en boit.
(NDLR: j'assume totalement le caractère nullissime de ce premier compte rendu, merci de votre indulgence néanmoins).
2) Slovaquie / Gerlach (2655m), 7 Août 2014:
Là, j'ai été bien bluffé. Parce que le Gerlach, c'est pas de la rando, c'est de l'alpinisme. Sauf que c'est dans un des plus petits massifs de haute-montagne du monde: les Tatras ou "Tatry". Nonobstant le fait que je suis arrivé mort de faim (et pas de soif) en Slovaquie vu qu'y avait pas de "Pataterie" aux Tatras (ou Tatry), il me fallut reconnaître que le terme "alpinisme" ne convient pas à une pratique dans les Tatras (ou Tatry), et que nous avons donc pratiqué, de facto, le Tatrisme et non pas Tantrisme, faut pas pousser Mémé dans les mirabelles non plus.
"Krampus, le guide, il a dit qu'on avait l'air bon en escalade" "Ah ouais, l'air on l'a c'est sûr, et il sort ça d'où?" "D'habitude, ses clients ont de gros sacs à dos, les nôtres sont petits" "Il a fait de la sacàdopsychomorphologie, le guide?" "On s'en fout, du coup, il a dit qu'on passait pas par la voie normale, ça le saôule la voie normale, moi ça me va, t'es partant?" "(Glurps) Ui Ui (re-Glurps)"
C'est à ce moment que le guide, au pied de la voie nous a sortis "Now, guys, there's no way back". Non mais, sans déconner, au petit matin, après un départ à 4h du mat' (si si, on s'est levés à 3h, alors qu'y a pas l'ombre d'un glacier en Slovaquie), ça réveille ce genre de phrases. Nous allons donc effectuer la Gypsy's route (AD-) avec ascension du petit Gerlach au passage et de l'arête nord du Gerlach. Pour faire simple, ce fut un pied total avec redescente par la voie normale de montée (ouais, faut suivre) hyper paumatoire . Le reste en images:
300m de gaz de chaque côté, ça calme:
Un grand merci à notre guide Martin Kyrc pour cette fantastique ascension (NB: l'ascension du Gerlach se fait obligatoirement accompagné d'un guide, pas tant pour les difficultés techniques, VN: PD / Gypsy's Route: AD-, mais pour les très grandes difficultés d'orientation auxquelles sont confrontés les grimpeurs sur ce sommet, à l'origine de nombreux accidents par le passé)
3) Pologne / Rysy (2499m), 9 Août 2014:
Si l'on m'avait demandé il y a un mois quelles images m'évoque la Pologne, probablement ne m'en serait-il venu que 3 à l'esprit: 1. un bison sur une bouteille en verre 2. un syndicaliste moustachu 3. une morne plaine sans fin. Je n'ai absolument rien vu de la Pologne durant ce séjour, mais au moins ai-je maintenant une 4ème image en tête: celui d'une fort jolie montagne dans le même massif que le Gerlach (ne dit-on déjà pas Tatry ou pas Tatras? je l'ignore) et dont l'ascension en randonnée depuis la Slovaquie est un vrai moment de plaisir. Le Rysy est en fait une montagne de 2503 m d'altitude mais dont seule l'antécime est en Pologne, le point culminant du pays est donc à 2499m, et le véritable sommet, distant de quelques mètres seulement, est du coup plus ou moins ignoré.
"Regarde, on voit le Falimonsku au fond"
"Et là,l'arête des Spitzkov"
"Le Stopa Hohneckzùr"
Humour polonais avec les horaires de bus pour le sommet (sic):
Un nombre important de Polonais (notamment) au sommet, mais ce n'est rien par rapport au millier d'autres personnes croisées à la descente qui se dirigeaient au point culminant de leur pays. Ceci dit, entre nous, les Polonais sont des gens très discrets en montagne et on pourrait mettre le quart de la population de Varsovie au sommet du Rysy qu'ils feraient moins de bruit qu'un comité local du Club Alpin Italien:
Petit verre de Vittel polonaise:
Des fleurs (petite photo pour satisfaire les plus contemplatifs des lecteurs du blog):
Redevenons sérieux, les fleurs ça va 2 minutes:
4) Le Kékes / Hongrie (1014m), 12 Août 2014:
"Qu'est-ce que c'est que ce Kékes?" "Le point culminant de la Hongrie" "Il faut une corde?" "Non, il en pleut déjà assez comme ça"
"Apparemment, il faut 300m pour atteindre le sommet depuis le parking" "De dénivelé?" "Non, de distance" "Merde, on peut pas se garer, le parking est payant et on n'a pas un Florin" "Y'a un parking d'hôpital psychiatrique apparemment juste un peu plus bas et il est gratuit" "OK, on prend notre Gore-Tex, et dans une heure on devrait y être" ...4 minutes plus tard...
"Merde, on est déjà arrivés, durée 5 minutes, dénivelé 40m, comment tu vas gérer ça sur ton blog, rajoute de l'aventure" "Je vois pas comment là":
(NDLR: tous les dialogues sont véridiques, aussi consternant que cela puisse paraître).
5) Slovénie / Triglav (2864m), 17&18 Août 2014:
Aussi loin que je m'en Slovène, le Triglav a toujours fait partie de mon enfance, lorsqu'en famille nous allions rejoindre nos amis et hôtes accueillants du côté de Bled (c'est bien le nom de la ville, et elle est magnifique, faites une recherche google). Nos amis nous montraient alors systématiquement les mille et une merveilles du pays. La promenade sous la face Nord du Triglav était alors une étape obligatoire que j'aimais particulièrement. A ce jour encore, j'ai rarement contemplé quelque chose d'aussi impressionnant et Franck, au moment de la découvrir, partagea volontiers ce point de vue:
Sous cette majestueuse face austère et pourtant si attirante, 2 choses nous vinrent à l'esprit: 1. "C'est vraiment colossal, mais y'a pas marqué Patrick Bérhault sur mon front" 2. "On attaquera le Triglav demain, mais par la Face Sud". Et c'est ainsi que le 17 Août, nous chaussions nos souliers, prêts à relever le défi ultime de notre périple sur un sommet qui me tient particulièrement à coeur surtout que j'avais préalablement échoué à y parvenir en 2006, et ça m'était resté en travers de la gorge cette histoire... Là encore, les images suffiront à raconter l'histoire et nos dialogues, en cette fin de road-trip, certes pas "zéro carbone" mais quand même "zéro carbonara" (ouais, elle est facile celle-là), se résumèrent à des commentaires enthousiastes que vous devinerez aisément:
Un grand merci à Franck qui a été un guide émérite et fin connaisseur de l'Europe de l'Est Centrale, à ses amis Jozef, Tomas, Suzka, Sonia et Lucia pour avoir été des hôtes chaleureux dans les nombreuses villes que j'ai pu découvrir entre 2 sommets: Prague, Bratislava, Kosice, Zagreb, Budapest, Ljubljana etc... Le mot de la fin sera résumé dans ce dialogue à la descente du sommet:
"Il était vraiment temps que ce périple s'arrête un jour, j'ai trop mal aux cuisses" "Ouais, le Triglav, c'était quand même une belle bambée finale" "Non, c'est juste que les WC à la turque, ça commence à bien faire".